Cyclistes dans la Grande Guerre
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9 mai 1915 -|- François Faber[]

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François Faber photographié quelques jours avant d’être tué

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Mémoire des Hommes

Ancien vainqueur du Tour de France, le Luxembourgeois François Faber a été tué au combat à Mont-Saint-Eloi, dans le Pas-de-Calais. Comment cela est-il arrivé ? Voici ce que l’ancien champion de France de vitesse chez les indépendants, Trante raconta : La préparation de l’attaque d’infanterie commençait à se faire furieusement. Ce n’était qu’un bruit assourdissant, mais confus, d’éclatement de tous nos calibres.

La division devait sortir de ses tranchées à 10 heures : chacun était à son poste. A sa gauche, la fameuse division marocaine, comprenant le 1e Régiment de la légion étrangère, dans lequel se trouvait François Faber. Il dominait tout le monde par sa haute taille, mais aussi par sa bravoure.

Il a été frappé par une balle de shrapnell en plein front. Il fut tué sur le coup. Mais alors que l’action battait son plein, quelqu’un s’aperçut que ses vêtements brûlaient. C’est à ce moment là seulement, que l’on constata sa mort. Il a été établi qu’une boîte d’allumettes, que Faber avait dans sa poche ou dans sa musette, communiqua le feu aux vêtements.

Ceci se passait dans les tranchées allemandes de première et seconde ligne au moment où nous avancions. Que personne le voyant tué ne se soit occupé de son corps en cet instant précis est possible. Car ce n’est que plus tard que les hommes désignés à cet effet procédèrent aux inhumations. Le bataillon de Faber occupait déjà d’autres positions plus en avant. Ses camarades n’étaient plus là ; beaucoup étaient tombés comme lui, tués ou blessés.

Les hommes chargés d’enterrer les corps enlèvent bien les papiers et les médailles d’identité, mais il est encore possible qu’aucun de ceux-là n’ait connu le grand champion, et cela explique pourquoi on n’a pas retrouvé son corps, car il a été enterré avec d’autres vaillants et héroïques victimes des Allemands.

Son directeur sportif Alphonse Baugé écrivait alors :
Vous ne sauriez croire l’immensité de mon chagrin. N’ayant pas d’enfant, je m’étais attaché avec des entrailles de père à François. Et comme tant d’autres « papa », voici que la guerre me l’a ravi ! Lui qui était si vaillant, si brave, si généreux, lui qui m’aimait comme un père, et que moi, j’adorais comme mon « enfant ». Il est MORT ! Ah mot affreux, inexplicable. Mot que l’on prononce avec un grand vide dans la tête et un effroi au coeur.
Mais peut-être aussi qu’il faut de si belles victimes au triomphe de si belles causes. Il n’y a que cela qui puisse nous donner la force de surmonter notre douleur affreuse. Et maintenant que le coup est porté, courageusement ma mémoire reconnaissante fait un retour sur le passé.
Je me souviens de mon « grand » depuis 1907, quand nous étions chez Labor, à nos débuts. Lui coureur, moi manager, dans ce Tour de France dont les « lettres à mon directeur » se plurent à faire l’éloge de celui qui devait être bientôt le sublime et colossal « Géant de la Route » 1909 et sa fantastique victoire dans ce même Tour de France et 1910 ! Sa défaite par Lapize, défaite qui l’avait affecté à tel point que durant trois mois, il m’en tint rigueur tant dans son coeur simple de « grand enfant ». Il en avait conclu que le manager, qu’il aimait comme un « père », aurait dû lui éviter cette défaite amère.
1911 ! Sa revanche sur Lapize dans Bordeaux-Paris qu’il gagna comme seul il savait gagner quand il voulait. Après avoir lâché son terrible rival sur les bords de la Loire, à Lussaud à 4 km d’Amboise, au cours d’une lutte homérique derrière les entraîneurs, depuis la prise de ces derniers à Sainte-Maure.
1912 ! Son année de guigne et de désastre durant laquelle nous fûmes séparés, encore, par un de ces « coups de tête » et d’audace qui lui étaient familiers, puis enfin son joyeux retour à mon bercail.
Et dans mes souvenirs, les événements qui suivirent défilent comme dans un cinéma. Son Paris-Roubaix 1913, cette victoire inattendue de tous, sauf pour moi, un triomphe. Cette résurrection qui était le fruit de six semaines d’un entraînement raisonné et méthodique, accompli presque en plein hiver, sur les grandes routes d’Auvergne et du Midi, où je lui avais conseillé d’aller chercher la « forme » loin de colombes et des amis qui ne pouvaient pas lui serrer la main sans que l’autre tienne un bon verre de « quelque chose » qui ne pouvait pas lui « faire du mal ». Ah ! Ces six semaines d’entraînement, elles étaient restées gravées dans notre mémoire. Complaisamment, il aimait à se rappeler les volumineuses lettres que je lui adressais chaque jour pour lui éviter de laisser chavirer son coeur !
Ses Tour des France 1913 et 1914 ! Je revois mon brillant « Maître d’armes » et le dévoué « bon samaritain » que vous avez si pieusement louangé à cette époque. Et quand je pense qu’une pauvre petite balle de ces gueuses de mitrailleuses nous l’a ravi pour toujours, c’est plus fort que moi, mon coeur se gonfle de désespoir et mes yeux se mouillent à nouveau.

Car je songe aussi à sa pauvre femme et à sa petite fille, née le... 5 mai, qu’il n’aura pas eu le bonheur suprême de connaître. Quelle atrocité ! Je songe que, s’il n’était pas tombé au champ d’honneur, le bon papa qu’il était devenu aurait eu à coeur d’apporter du bonheur plein la maison. Je songe que le sort injuste l’a choisi comme victime au moment où la vie allait s’ouvrir belle et souriante pour lui et les siens, à l’instant même où la naissance de sa chère enfant venait apporter comme une belle rose de plus au jardin de son bonheur. Quelle tristesse !

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